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Titre du blog : Au coeur des mots
Auteur : Shana
Date de création : 18-09-2008
 
posté le 21-07-2010 à 03:27:17

Une vie de Guy de Maupassant

Une vie

Guy de Maupassant

 

 

 Coup de coeur !

 

 


Éditions : LGF

Année : 1990

Pages : 336

Catégorie : Classique

Âge : Dès 14 ans

Temps de lecture : Quatre jours

Résumé : Jeanne, fille unique très choyée du baron et de la baronne Le Perthuis des Vauds, avait tout pour être heureuse. Son mariage avec Julien de Lamare, rustre et avare, se révélera une catastrophe. Sa vie sera une suite d'épreuves et de désillusions. Ce roman, le premier de Guy de Maupassant, est une peinture remarquable des moeurs provinciales de la Normandie du XIXe siècle : hobereaux, domestiques, paysans y sont décrits avec beaucoup de réalisme. 

 

Source : livre.fnac.com

 

Mon avis : Ce livre s’est révélé être un coup de cœur pour moi parce que le personnage que l’auteur met en œuvre au cours de cette histoire m’a ébranlée puisque j’y retrouvais une part de moi-même. Cette jeune femme dont le rêve doublé de romantisme était de vivre une vie idéale se voit, après un mariage auquel elle s’attendait être l’ouverture de sa vision idyllique de sa jeunesse, piétinée par la nouvelle personnalité et les actions infidèles de son mari. Elle y découvre également la condition de la femme dans le mariage qui ira même jusqu’à engendrer des angoisses la menant à la désillusion. Son enfant, qu’elle abhorrait au début de sa grossesse, fut son véritable bonheur dans sa vie et le seul but que Dieu lui offrait, bien que son fils devint généreusement gâté et elle, une excessive mère poule. L’auteur, qui a voulu détailler les circonstances d’une vie malheureusement vécue par beaucoup de personnes à cette époque, a abordé différents sujets touchant la vie de couple, notamment l’infidélité qui était presque une coutume chez les hommes au XIXe siècle ( et même encore aujourd’hui, il faut l’admettre ). Jeanne voit sa vie anéantis lorsqu’elle constate que son mari cache des infidélités conjugales et que sa servante porte un pauvre enfant de lui. De même, la trahison de son mari quant à sa personnalité qui change du tout au tout après son mariage est un autre coup difficile à supporter pour la jeune femme qui baignait jusque là dans l’innocence du rêve utopique ( quoique je ne voyais pas ses rêves comme une utopie, au contraire de l’auteur ). De là, naisse des angoisses et des dégoûts à l’égard de la sexualité et des hommes qui apparaissent dès les premiers instants de son mariage. Ses peurs sont peut-être mis à l’écart lors de l’histoire, néanmoins nous les ressentons dans chaque détail de sa vie et ce seul constat a fait naître en moi une immense compassion. Paradoxalement, derrière la vie de conjugale de Jeanne, le récit effleure les joies de mère nature par l’entremise de l’amour que lui porte le personnage et également la religion catholique qui avait une emprise singulière sur l’existence des paysans. E il ne faut point oublier les liens familiaux qui viennent prendre une grande place dans le cœur de Jeanne puisque ses relations avec ses parents sont l’une de ses seules allégresses. 

 

Ainsi, l’histoire dépeint avec réalisme l’identité et l’existence de Jeanne qui est le miroir de nombreuses femmes du XIXe siècle. Les problèmes se voient les mêmes, mais il reste que cette jeune dame a une personnalité qui mérite bienveillance puisqu’elle a su, malgré les malheurs de son couple, tenir tête à ceux-ci et à s’accrocher à des buts qui pouvaient la rendre heureuse. Cependant, même si son courage et l’affabilité de son caractère demeurent ses qualités primaires, Jeanne camouflent des faiblesses et des désespoirs qui la rendent moins vivante qu’elle ne l’était au départ. Devant cette âme si bonne, je ne pouvais que m’attacher et je regrettais l’adolescente naïve qui séjournait encore au couvent, humble demeure qui la protégeait des griffes de sa future vie. Mais elle ne pouvait savoir que le galant homme qui l’emmenait amoureusement dans des croisades en mer avec son père cachait une arrogance et une placidité à fendre le cœur, en plus de son instabilité de mari fidèle. Voilà ce Julien est et dont je doutais déjà de son honnêteté lors des prémices de leur relation. Un homme comme lui, manipulateur et avare de richesse, ne mérite pas de prendre pour épouse une femme dotée d’une merveilleuse sensibilité. De même, le fils qu’elle mettra au monde ne portera point d’amabilité à son égard en empruntant constamment son argent pour des dettes de jeu, perdu quelque part en Europe. Mais on ne peut guère lui en vouloir, car sa jeunesse gâtée a eu raison sur ses attitudes à l’âge adulte et on ne peut que blâmer l’état mère poule de Jeanne qui a également ses raisons. Son père chaleureux et fier de sa fille qui cherche a lui procurer un bonheur perpétuel et sa mère maladive perdue dans les pages du passé composent sa famille se mouvant autour de sa route mouvementée qui prendra un sens meilleur quand sa vieillesse commencera doucement à prendre le monopole sur son corps.  

 

En bref, vous comprendrez que j’ai adoré ce roman simple à la base, mais qui aborde des sujets délicats. Le personnage de Jeanne, image des femmes aux prises avec des malheurs conjugaux tant à cette époque qu’à la nôtre, est une demoiselle qui restera à jamais gravé dans mon parcours littéraire, car son histoire ne peut qu’apporter questionnements sur les desseins de la vie. L’écriture spontanée de Guy de Maupassant est généreuse d’émotivité et de descriptions créant une intimité avec le protagoniste. Ce fut un plaisir de l’accueillir sur ma route et il a réussi avec maîtrise l’illustration d’une vie, de là où vient le simple titre. Un auteur que je suivrais pas à pas dans ses romans avec toujours ce même bonheur ému. Un coup de cœur inévitable !

 

Extrait du roman : « En certains jours cependant Jeanne se reprenait à rêver. Elle s'arrêtait doucement de travailler, et, les mains molles, le regard éteint, elle refaisait un de ses romans de petite fille, partie en des aventures charmantes. Mais soudain, la voix de Julien qui donnait un ordre au père Simon l'arrachait à ce bercement de songerie ; et elle reprenait son patient ouvrage en se disant : " C'est fini tout ça " ; et une larme tombait sur ses doigts qui poussaient l'aiguille. » p. 114.