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Titre du blog : Au coeur des mots
Auteur : Shana
Date de création : 18-09-2008
 
posté le 15-04-2009 à 15:56:15

Le vil seigneur

Le vil seigneur

 

 

Le soleil se couchait à l'horizon, projetant un chatoiement de couleurs sur les plaines qui bordaient les montagnes du Sud. À l'intérieur de ses vallons, des centaines de tentes aux fanions dorés tapissaient le terrain vallonné. Une frénésie inquiétante régnait dans cet attroupement où des milliers de soldats se préparaient pour une longue conquête. On pouvait entendre les tambours grondés à des lieux à la ronde tel des géants qui faisaient trembler la terre. Parmi ce troupeau d'hommes en armure, un seul restait impassible, le visage tourné vers le Nord. Il savourait déjà sa victoire prochaine, se délectant à l'avance des richesses qu'il allait amasser en plus du pouvoir que cette guerre lui procurerait. Le reste lui importait peu.

 

Son cheval d'un blanc poudreux frappa impatiemment le sol rigide avec son sabot. Sans quitter le paysage du regard, le seigneur fit avancer sa monture. Autour de lui, des centaines de soldats se vêtaient d'habits de guerre avec des gestes nerveux, certains se pratiquant à l'épée pour se réchauffer avant l'assaut qui allait durer de nombreux jours, selon les forces de l'ennemie. Les moins gradés tachaient de défaire les tentes tandis que les apprentis aidaient silencieusement leur maître à se vêtir, une terreur profonde leur nouant l'estomac. Cette vision ne toucha à peine le coeur froid du seigneur même s'il savait que plusieurs de ses hommes périront sous les armes ensanglantées de leurs attaquants. Pour lui, ils n'étaient que des pions servant à l'aider dans sa conquête du pouvoir. De toute manière, il ne connaissait même pas la moitié d'entre eux, alors qu'ils meurent ou qu'ils vivent, le vil seigneur ne s'en souciait guère.

 

Lorsqu'il atteignit les limites du camp, le roi sortit de sa léthargie et porta sa main vers son fourreau pendant que le cor sonnait le départ. Un silence pesant flotta au-dessus de l'armée, enfin prête pour le combat. Même les oiseaux s'étaient tus et au grand dam des soldats, une pluie fine s'était mise à tomber sur leurs têtes. Sans en faire de cas, le seigneur tira l'épée de son habitacle, dévoilant une arme robuste dont la pointe avait été taillée par les meilleurs artisans du pays afin qu'elle soit assez tranchante pour couper un arbre sans difficulté. Elle faisait la fierté de son maître qui la maniait avec une force inouïe. Et c'est avec cette pensée pour le moins égoïste qu'il la fit monter jusqu'au ciel, son bras droit comme un poteau la soulevant sans le moindre effort. Aussitôt, des cris de guerres jaillirent de partout et s'élevèrent vers les nuages en un chant sordide qui fit frémirent les plus jeunes, déjà terrassés de peur à l'idée de participer à leur première guerre. C'est lorsque les chevaux partirent au galop que le seigneur sentit naître en lui le souffle de la guerre, une force profonde venue d'outre-tombe qui se logeait dans les recoins les plus sombres de son esprit déjà étouffé par la noirceur.

 

 

Fanny Mathieu