Le vai bonheur
La fillette regarda les grenouilles sautées dans l'eau du lac avec une attention particulière. Elle éclata d'un rire candide tout en tapant des mains. Tout doucement, elle approcha sa petite main de l'animal verdâtre tout en lui murmurant des mots d'encouragement. Penchée au-dessus de l'étang, elle ne se souciait pas de la boue qui se collait tel des sangsues à ses souliers neufs, achetés la veille pour sa journée d'école, ni de l'eau qui venait foncir ses vêtements propres. De légers pétillements apparurent dans ses yeux tandis que son doigt frôlait la peau gluante de la grenouille apeurée. Et lorsque la petite bête se réfugia sous l'eau d'un bond gracieux, elle fit de nouveau éclater sa joie. Mais quand elle entendit les pas de sa mère derrière son dos et vit son ombre apparaître sur la surface impeccable du lac, son visage se rembrunit quelque peu. Au fond d'elle-même, son bonheur disparut comme la grenouille qu'elle avait voulu attraper.
- Charlotte, il faut y aller, sinon tu vas être en retard à l'école.
- Mais maman, je veux rester jouer avec les grenouilles !
- Il n'en ai pas question, Charlotte ! Allez, dans la voiture !
La petite fille perdit son sourire innocent qu'elle arborait il y a un instant. La tête basse, elle suivit sa mère jusqu'à la voiture et s'installa sur le banc arrière sans quitter l'étang du regard. À quoi bon aller à l'école ? À quoi rimait toutes ces matières, toutes ses choses futiles ? Elle s'amusait mieux à l'extérieur, à sautiller avec les grenouilles. Sa mère lui disait souvent qu'elle ne lui voulait que son bonheur, mais comme tous les adultes, elle ne connaissait pas le bonheur qu'elle éprouvait à jouer, imaginer et créer des choses incroyables. Et l'école ne lui procurait aucune joie égale à celle-ci. Elle s'ennuyait à mourir dans ces murs clos, assise pendant des heures, et détestait qu'on la punisse parce qu'elle était malheureuse dans ce monde si cher aux grandes personnes. Quand allaient-ils comprendre le vrai sens du mot " bonheur " ?
Charlotte regarda sa mère par le rétro-viseur avec une moue qui en disait long sur ses pensées. Puis, elle lâcha la phrase qui frémissait dans sa bouche depuis quelques minutes :
- Maman, tu veux plus que tout mon bonheur, c'est ça ?
- Bien sûr, ma chérie, dit-elle en démarrant le moteur.
- Alors s'il te plaît, laisse-moi profiter de ma jeunesse.
Sa mère, troublée par les paroles de sa fille, arrêta son geste dans un élan indécit. Elle soutint le regard de son aînée tandis que la petite, une main sur la poignée, attendait patiemment une réponse quelconque de sa mère. Mais comme celle-ci restait de marbre sans même sourciller, Charlotte ouvrit la porte et se faufila à l'extérieur sans dire un mot. Et juste avant de refermer la portière, elle déclara avec une grande maturité pour ses huit ans :
- Les adultes ont encore beaucoup à apprendre du vrai bonheur qui constitut la vie.
Puis, avec un sourire fugace pour rassurer sa mère, partit en sautillant vers l'étang, ses cheveux dansant dans la douce brise de septembre qui venait embellir la nature à son tour.
Fanny Mathieu
Source inconnue
Commentaires
Merci ! Mais non, je ne suis pas entrain d'écrire ma biographie. Ce n'est qu'un texte qui a pris forme dans mon esprit et que j'ai mis par écrit.
Bises
Shana
BRAVO! Serais-tu en train d'écrire ta propre biographie c'est bien jeune .....
Jacline