Princesse de l'ombre
Éditions : Michel Lafon
Année : 2010
Pages : 348
Catégorie : Romans historiques / uchroniques
Âge : Dès 13 ans
Temps de lecture : Une semaine
Résumé : Jahanara n’a que dix-sept ans à la mort de sa mère. Accablée de chagrin, elle doit faire face à ses multiples obligations. En effet, elle est la fille de Shah Jahan, le puissant empereur de l’Inde Moghole qu’elle doit désormais assister. Très vite, elle devient la femme la plus influente de l’Inde, régissant les affaires de l’Empire comme celles du harem, et supervise même la construction du Taj Mahal en hommage à sa mère.
Cependant, cette fille tant aimée vit sous la chape d’une terrible interdiction : elle n’est pas autorisée à se marier. Subjugué par sa ressemblance avec sa défunte épouse, son père exige qu’elle demeure à ses côtés. Jahanara doit rester près de lui, et dans l’ombre, à jamais…
Source : michel-lafon.fr
Mon avis ( dans le cadre d'un partenariat avec Blog-O-Book ) : Depuis que je suis entrée dans le monde littéraire, paradis incommensurable des arômes livresques, je n’ai jamais plonger dans l’Inde occidental. Ce fut une découverte privilégiée puisque j’ai sillonné un univers complètement dissemblable où les mœurs et la religion, même s’ils ne m’ont inspiré aucun bonheur, sont si étrangers à notre société. Les premières pages défilent et nous nous retrouvons dans le palais royal ( en 1631 ) au sein duquel nous voyagerons aux côtés de Jahanara, fille de Shah Jahan, l’empereur, et de Mumtâz Mahal, décédée à la suite d’un accouchement. Entre Âgrâ, où s’érige le mausolée de lumière qui voue honneur à sa mère, Deccan, Cachemire, Burhanpur et Mandu, elle nous fait voir les caractéristiques de l’Inde, mais également son émouvante histoire. Après la mort de sa génitrice, elle devient la femme la plus puissante du zenana, à son grand dam puisque son père, la trouvant trop précieuse à ses yeux, lui refuse toute union avec un quelconque homme, pas même celui qui embellit son cœur secrètement. Ainsi, encore dans l’éclat de la jeunesse, lui pèsent toutes les responsabilités tandis qu’elle doit renoncer, pour un temps du moins, à rester cloîtrée au sein de la vie impériale dont les élans de bonheur ne sont qu’éphémère puisque tout est restriction. Ce n’est pas seulement l’histoire de cette princesse, c’est le récit d’une religion, celle de l’Islam. Car, en effet, parmi les aventures de cette princesse téméraire, nous entrevoyons le quotidien des femmes de l’Inde. Là-bas, les législations sont nombreuses ; le port du hijab, l’autorisation de la polygamie, l’infériorité des femmes face aux hommes, etc. Tous ces actes qui, selon moi, va à l’encontre de la liberté de la femme, m’a particulièrement troublée, émue, choquée par moment. Mais même si je n’accepte guère cette religion à cause de ses normes drastiques, bien qu’elle s’est améliorée, je ne porte aucun jugement, car c’est leur choix, nonobstant le peu de liberté qui plane autour de l’identité des femmes. C’est dans cette option que j’avais l’impression, à certains moments, d’assister à de faux évènements. Comment l’empereur pouvait-il aimer autant sa femme décédée s’il avait déjà plusieurs autres épouses ? Or, ce n’est là qu’une question personnelle, car mes mœurs sont différents d’eux et il est bien normal que je me pose diverses questions sur ce qui peuvent les conduire à accepter un tel acte. Je suis seulement déçue qu’ils choisissent cette façon de vivre alors qu’ils passent à côté de la joie inestimable qui résulte de la vraie liberté.
Les personnages, il y en a plusieurs, mais celle qui se démarque du lot est sans aucun doute la belle Jahanara. Hardie de nature, pondérée et raisonnée, elle ne cesse de faire valoir inconsciemment son talent lorsqu’elle est dans les parages. Cependant, sous cette surface imperturbable, la tristesse n’est que le seul habitant de son cœur. Ne jamais aimer au profit de la royauté, n’est-ce pas une cruelle destinée ? Or, au fil des chapitres, elle se décidera finalement à passer outre mesure et à entretenir une relation secrète avec son amant, ce qui n’arrangera guère ses liens avec sa sœur, Roshanara. Celle-ci, ombre de son aînée, n’admet pas sa supériorité, usant de jalousie et de ruse pour lui mener la vie dure. Plus frivole et moins sage que sa soeur, elle s’alliera à Aurangzeb, son frère, pour l’aider à monter dans l’estime de leur père, tandis que Jahanara se mettra du côté de Dura, son autre frère, qui est le prince illégitime du trône. Aurangzeb est davantage un guerrier que son aîné et la montée sur le trône n’est que son seul rêve. Il ferait n’importe quoi pour devenir maître à son tour, quitte à dissoudre toute sa famille. Outrecuidant, austère, il n’est pas mieux que son grand frère, Dura, qui fait montre d’un égoïsme supérieur. Cependant, il a une grande ouverture d’esprit à l’égard des autres religions que, malheureusement, les autres ne voient point cet intérêt avec bonheur. Leurs autres frères, Shuja et Murad, ne sont que des ombres au tableau, car ils n’apparaissent que rarement au sein du récit, sinon en quelques mots. Le père et roi de l’Empire Mongol, Shah Jahan, vit quant à lui esseulé dans le désespoir que lui cause la perte de sa meilleure épouse. Son deuil se fera difficilement et accroché au bras de sa fille qui le supportera jusqu’à sa mort, sa seule raison sera de construire le Taj Mahal, le Mausolée de lumière, afin que le peuple n’oublie jamais la femme qui à honorer sa vie, ce que ses autres épouses ne verront pas cela d’un bon œil. Les membres de cette famille royale, bien que comblés de richesse et d’amour propre, restent toutefois de simples citoyens dont les aléas de la vie creusent le trésor de leur personnalité. Ce que j’ai aimé des protagonistes, c’est de savoir qu’ils ont réellement existé, qu’ils ont foulé de leurs pieds l’Inde d’autrefois et que ce récit, auréolé bien évidemment d’un peu de fiction, est le témoignage véridique de leur identité, ce qui m’amène davantage a apprécié la témérité de la princesse de l’ombre à laquelle j’accorde une grande sympathie.
Ainsi donc, ce fut une aventure tout en douceur dans les régions les plus paradisiaques de l’Inde, entre les jardins nantis et fleurissants des palais où s’écoulent des rivières aux chants épurés et l’intérieur des monuments tapissé de tissus pigmentés d’un arc-en-ciel de vive couleur qui ne fait qu’embellir la richesse de ce pays, malgré ses sombres recoins. Cependant, je déplore quelques fois un certain ennui que j’ai eu à l’occasion et des passages qui auraient pu ne pas être ajoutés à l’histoire. D’autre part, j’aurais particulièrement adoré une définition des mots indous, car l’auteure parsème les pages de plusieurs de ces mots qui, je dois l’avouer, est particulièrement difficile à retenir au début, notamment pour les noms. De ce fait, ce fut une douce lecture, arrosée d’enrichissements sur la culture de l’Inde et sa royauté, et j’ai aimé faire rencontre avec l’écriture d’Indu Sundaresan, qui est à la fois placide, mesurée et dont les détails ne sont que merveilles. Alors, je ne peux que vous le conseiller, car ce récit attrayant vous fera percevoir les chemins sinueux et délicats de ce pays occidental qui a tant à nous faire découvrir. J’en conviens, ce n‘est pas un coup de coeur, mais j’en retire un excellent moment de lecture et un plaisir futur à l’idée de voguer à nouveau sur la plume de l’auteure que je compte bien connaître avec davantage de profondeur. Mes remerciements sincères à Blog-O-Book et à Michel Lafon pour ce premier partenariat et cette splendide aventure dans les confins de l'Empire Mongol !
Extraits préférés du roman : « L’empereur Chah Jahan était frigorifié, la peau moite, le cœur brisé en tant de morceaux que la moindre respiration lui était un supplice. Il se demandait comment survivre à Arjumand ; la vie sans elle lui semblait inimaginable. Ses enfants allaient-ils se voir obligés de lui rendre les mêmes devoirs dans quelques jours ? Ses larmes coulaient sans cesse, ses oreilles n’entendaient que le tambourinement des gouttes sur la toile du parapluie ; les plis de son manteau blanc, le nadiri, collés au tissu de son chudidar. Il ne devrait porter que du blanc au cours des années à venir. Les épaules flanchant sous la charge légère du manche d’or de son parapluie, il se sentait vieux. Quelque chose venait aussi de mourir en lui. » p. 25.
Critiques d'ailleurs : Katell